Lors de l’utilisation d’applications mobiles, de sites web ou de plateformes en ligne, nous sommes tous exposés à des techniques de conception qui influencent nos comportements de manière subtile et souvent à notre insu. Connues sous le nom de « dark patterns » ou « modèles sombres », sont des pratiques de conception visant à manipuler les utilisateurs pour atteindre des objectifs spécifiques, souvent aux dépens de leur liberté de choix.

Nous, designers, prenons conscience de l’impact des dark patterns dans nos pratiques. Comment envisager des interfaces plus éthiques ? Au-delà des simples choix de design, la volonté de concevoir des interfaces plus honnêtes s’inscrit dans un véritable engagement pour garantir des expériences de qualité pour vos utilisateurs. Si vous êtes un designer désireux de créer des interfaces plus éthiques, nous vous suggérons également de parcourir le guide élaboré par le collectif des Designers éthiques intitulé Concevoir sans Dark Pattern.

Dans l’article ci-dessous, nous explorerons quelques-uns des dark patterns qui se glissent dans nos usages quotidiens, et vous donnerons des clés pour les identifier et augmenter votre vigilance lors de votre navigation.

Quels dark patterns reviennent fréquemment dans nos expériences utilisateur ?

Bien que ces techniques soient très diverses, elles ont toutes un point commun : l’utilisateur est au centre de la démarche. Nous avons identifié pour vous, les 12 darks patterns les plus fréquemment utilisés sur le web.

1. Forced continuity

Cette pratique a pour objectif de “forcer” l’abonnement ou l’achat des utilisateurs en ne validant pas clairement leur consentement ou en rendant leur refus très difficile.

Principalement identifié sur des outils proposant une période d’essai gratuite, le scénario est souvent similaire : lors de son inscription, l’utilisateur fournit ses informations de carte de crédit pour bénéficier d’un « essai gratuit ». Quelques semaines ou mois plus tard, sans aucun préavis, il remarque que des frais ont été débités sur sa carte de crédit.

Le partage des informations bancaires en échange d’essais gratuits n’est pas considéré comme dark patterns. En revanche, engager et débiter l’utilisateur sans son consentement clair est une pratique malveillante qui va à l’encontre de son intérêt.

Lors d’une expérience plus honnête, un e-mail ou une notification devrait lui être envoyé pour l’avertir de la fin de la période d’essai et demander une permission avant le prélèvement.

2. Bait and Switch

Cette technique a pour but d’attirer les utilisateurs avec une offre attractive pour ensuite changer les termes de la transaction une fois qu’ils sont engagés.

Majoritairement utilisées sur les sites e-commerce, les entreprises ayant recours à ce dark pattern présentent des offres exclusives, souvent à bas prix pour attirer facilement des clients. Lorsque l’utilisateur est sur le point de finaliser sa transaction, les conditions ou les caractéristiques de l’offre sont modifiées de manière beaucoup moins avantageuse. Cela peut se traduire par une augmentation soudaine des prix, des fonctionnalités supprimées ou des conditions contractuelles moins favorables.

3. Misdirection

Cette tactique cherche à influencer l’attention des utilisateurs afin de les inciter à entreprendre des actions qui ne sont pas dans leurs intérêts. Pour illustrer ce dark pattern, imaginons un site web qui propose un bouton de téléchargement pour un logiciel gratuit. Lorsque l’utilisateur clique sur ce bouton, plutôt que de commencer le téléchargement, il est redirigé vers une page où il est invité à s’inscrire sur la plateforme avant d’avoir accès au téléchargement. Cette redirection discrète dévie l’attention de l’utilisateur de son objectif initial de télécharger le logiciel gratuitement, le poussant ainsi à s’inscrire sur le site alors qu’il n’avait pas l’intention de le faire.

4. Trick Questions

Ce type de manipulation tire parti de la confusion des utilisateurs en posant des questions ambiguës et trompeuses. En mettant en application ce dark pattern, les questions sont souvent formulées de manière à ce que les réponses semblent évidentes. En réalité, elles cachent des actions inattendues ou indésirables pour l’utilisateur. 

Par exemple, une question peut sembler demander si l’utilisateur souhaite désactiver une fonctionnalité, alors qu’elle l’engage à l’activer involontairement. Cette tactique exploite la vulnérabilité cognitive des utilisateurs et les pousse à faire des choix qui vont à l’encontre de leurs intentions initiales, parfois même sans qu’ils ne s’en rendent compte.

5. Confirmshaming

Le dark pattern Confirmshaming, exploite les sentiments de culpabilité ou de honte chez les utilisateurs en les faisant se sentir mal à l’aise de refuser une action ou une offre. 

Par exemple, une boîte de dialogue pop-up pourrait afficher un message tel que « Non, je ne veux pas économiser de l’argent » en réponse à un refus de s’abonner à une newsletter ou de bénéficier d’une remise. Cette manipulation émotionnelle pousse souvent les utilisateurs à céder à la demande plutôt que de refuser ou de quitter la page, créant ainsi une expérience utilisateur négative.

6. Disguised Ads

“Disguised Ads” est un type de dark pattern très répandu. Il se distingue par sa capacité à présenter des publicités comme dissimulées parmi le contenu d’une interface. Cette pratique trompeuse vise à induire les utilisateurs en erreur en leur faisant croire qu’ils interagissent avec du contenu authentique ou des éléments fonctionnels de la plateforme, alors qu’en réalité, ils sont confrontés à des publicités. Cette stratégie s’avère particulièrement sournoise car elle exploite la confiance et la familiarité des utilisateurs avec l’interface pour les inciter à cliquer sur des annonces qu’ils auraient autrement ignorées ou évitées.

En camouflant subtilement les publicités, les entreprises qui utilisent ce dark pattern cherchent à augmenter leur taux de clics et leurs revenus publicitaires au détriment de l’expérience utilisateur et de la transparence.

7. Privacy Zuckering

Tirant son nom de Mark Zuckerberg, cette technique a pour objectif d’encourager les utilisateurs à partager davantage d’informations personnelles qu’ils ne le souhaitent initialement. Pour cela, il exploite souvent des interfaces utilisateur complexes et des libellés ambigus pour induire en erreur les utilisateurs et les inciter à divulguer des données sensibles. Par exemple, en rendant les choix de confidentialité complexes ou en insistant de façon incessante pour obtenir des données personnelles. Ce dark pattern compromet la vie privée des utilisateurs en manipulant leur consentement de manière trompeuse, mettant ainsi en danger leur sécurité et leur confidentialité en ligne.

8. Roach Motel

Le « Roach Motel » est un modèle de conception qui attire les utilisateurs en leur facilitant l’accès à un système ou à un service, mais rend extrêmement difficile voire impossible leur sortie. Les utilisateurs sont incités à s’engager dans une plateforme ou un service avec une expérience d’inscription fluide et sans heurts. Cependant, une fois engagés, ils se retrouvent piégés par des obstacles complexes lorsqu’ils tentent de résilier leur abonnement ou de supprimer leur compte.

Ce dark pattern repose sur des interfaces confuses, avec des processus de désinscription cachés et des politiques de résiliation déroutantes. Cette pratique provoque non seulement de la frustration mais aussi de la méfiance chez les utilisateurs. Elle limite également leur liberté de choix et ternit leur expérience globale avec le service.

9. Sneak into Basket

Avec cette technique, des produits ou des services indésirables sont ajoutés au panier d’achat des utilisateurs sans leur consentement explicite. Au cours du processus d’achat, l’entreprise ajoute insidieusement des options ou des abonnements cachés, dans le panier d’achat des clients. Avec ce type de dark pattern, les utilisateurs peuvent être pris au dépourvu en découvrant des articles qu’ils n’ont pas choisis. Et parfois même finir par payer pour des produits ou services qu’ils n’avaient pas l’intention d’acheter. Ce stratagème nuit à la confiance des utilisateurs et compromet l’intégrité de l’expérience d’achat en ligne. Il vise à augmenter les profits de l’entreprise au détriment de la transparence et de la satisfaction client.

10. Hidden costs

Cela consiste à dissimuler les coûts réels d’un produit ou d’un service jusqu’à ce que l’utilisateur soit pleinement engagé. Ce dark pattern est souvent utilisé pour attirer les utilisateurs avec des prix initialement bas, pour ensuite leur présenter des frais supplémentaires une fois qu’ils sont déjà engagés dans le processus d’achat. Ces frais cachés peuvent prendre diverses formes, telles que des frais de livraison non divulgués, des options de paiement pré-sélectionnées entraînant des frais supplémentaires, ou des frais d’annulation dissimulés. Cette pratique trompeuse peut induire les utilisateurs en erreur et les inciter à dépenser plus que ce qu’ils avaient initialement prévu, compromettant ainsi leur expérience d’achat en ligne et leur confiance dans la marque.

11. Friend spam

Le dark pattern du « Friend spam » incite les utilisateurs à envoyer des invitations ou des messages indésirables à leurs contacts sans leur consentement. Souvent, cette pratique se présente sous la forme de pop-ups ou de notifications qui encouragent les utilisateurs à « inviter tous leurs amis » ou à « partager avec leur réseau » pour débloquer des fonctionnalités ou accéder à du contenu supplémentaire. Ces incitations peuvent être délibérément conçues pour être difficiles à ignorer, poussant les utilisateurs à prendre des actions qu’ils n’auraient pas choisies s’ils avaient été pleinement informés. En conséquence, les contacts des utilisateurs se retrouvent souvent inondés de notifications non sollicitées. Ce dark pattern nuit à l’expérience des utilisateurs et transmet une image de marque peu qualitative aux “amis” recevant les nombreux messages d’invitation.

12. Price Comparison

Cette méthode joue sur la manière dont les prix sont présentés et comparés pour influencer les utilisateurs à faire des choix fondés sur de fausses informations. Par exemple, un produit affiché avec un prix initial barré suivi d’un prix réduit peut sembler être une bonne affaire, mais en réalité, le prix initial était artificiellement gonflé pour rendre la réduction plus attrayante. Ce dark pattern inclut également la comparaison d’articles qui ne sont volontairement pas placés sur une valeur commune. On retrouve ces dark patterns notamment sur les boutiques en ligne de vente de gros, où certains produits sont affichés à l’unité et ceux des concurrents dans une autre valeur, ce qui rend  la comparaison difficile.

Comment se protéger de ces pratiques commerciales trompeuses ?

Vous l’avez compris, les darks patterns sont omniprésents. En tant qu’utilisateur, notre responsabilité est de rester attentifs et vigilants lors de notre navigation en ligne, surtout sur les plateformes axées sur la vente.

Pour se protéger, il est crucial de comprendre le fonctionnement des dark patterns et d’être conscient de leurs impacts. Prendre le temps d’examiner attentivement les détails et de remettre en question les incitations à l’action suspectes est une habitude importante à adopter. De plus, l’utilisation d’outils de protection tels que les bloqueurs de publicités peut renforcer notre défense contre ces tactiques sournoises. Pour davantage de conseils, nous vous recommandons vivement de consulter le site economie.gouv.fr qui met à disposition des consommateurs des ressources utiles pour se protéger lors d’achat en ligne.

Les UX designers ont également leur rôle à jouer en prenant conscience de l’impact de ces pratiques sur les utilisateurs et proposer des interfaces plus éthiques aux marques pour lesquelles ils travaillent. En suivant ces conseils et en restant proactifs, nous pouvons rendre votre navigation sur Internet plus sûre, plus agréable et déjouer les pièges des dark patterns.

Nous vous encourageons également à découvrir l’article publié à ce sujet par le site economie.gouv. Vous y trouverez une mine d’informations pratiques et utiles, spécialement conçues pour les consommateurs en quête de conseils avisés lors de leurs achats sur les plateformes de commerce électronique.